Un pion arriéré est un pion qui n’a plus de vis-à-vis, qui est moins avancé que ceux des colonnes adjacentes et dont la case située devant lui est inoccupée et contrôlée par un pion adverse. Le plus souvent, on considère un pion arriéré comme une faiblesse car d’une part, ce pion ne peut plus être défendu par un autre pion et est donc une cible pour l’adversaire D’autre part, la case située devant lui ne pouvant être contrôlée par un pion est un avant-poste idéal pour une pièce adverse.
Le pion arriéré le plus fragile sera celui qui se situe sur une colonne semi-ouverte quand l’adversaire possède encore des pièces majeures (Dame ou Tour) qui pourront l’attaquer frontalement. Dans la position du diag.1, la fragilité du pion d6 est extrême, il ne pourra pas avancer même avec le soutient de ses pièces.
Diag 1
Dans le diagramme 1 les pions c3 et d6 sont arriérés mais si les Blancs jouent c4, leur faiblesse disparaît, le pion retrouvant la protection de son collègue b. Le pion d6 est sans protection possible d’un autre pion et sans possibilités d’avance pour retrouver la protection de son jumeau d5. Sa situation est encore plus désespérée du fait qu’il se trouve sur une colonne ouverte.
Diag 2
Dans la position du diag 2, d6 est également un pion arriéré mais le pion blanc d5 lui sert de bouclier si bien qu’il ne pourra être attaqué que latéralement. Sa faiblesse est moindre !
Les échecs modernes tendent à relativiser l’importance de la faiblesse. Nombre d’ouvertures récentes concèdent cette faiblesse statique pour augmenter le dynamisme des pièces. L’archétype de ces ouvertures étant la Sicilienne Sveshnikov.
Dans le diagramme 3, d3 est arriéré sur une colonne semi-ouverte mais moins vulnérable.
Diag 3
Le pion arriéré le plus fragile sera celui qui se situe sur une colonne semi-ouverte quand l’adversaire possède encore des pièces majeures (Dame ou Tour) qui pourront l’attaquer frontalement. Dans la position du diag.1, la fragilité du pion d6 est extrême, il ne pourra pas avancer même avec le soutient de ses pièces.
b3, b6 sont arriérés peu vulnérables
Le pion arriéré peut être une sérieuse faiblesse, particulièrement si les cases frontales sont sous le contrôle des pièces de l’adversaire. Dans la position issue de la partie Lilienthal – Makogonov, le problème des Noirs est leur pion arriéré sur une colonne semi-ouverte. Les Tours blanches doublées exercent une forte pression, alors que les pièces noires sont passives. Lilienthal, sacrifiant un pion, va créer une percée tout en activant son Fou.
Lilienthal,A. – Makogonov, V. 1936
La qualité d’une structure de pion va dépendre de sa flexibilité. La présence d’un pion arriéré, isolé ou doublé rigidifie la structure. Tous pions faibles ont en commun cet inconvénient : le manque du support d’un autre pion. Ne pouvant être protégé par un collègue, il aura besoin de l’aide d’une pièce, l’enchaînant à sa défense et les figures assignées à la protection d’un pion faible seront souvent incapables de se défendre elle-même. À noter également, que non seulement le pion lui-même peut être faible, mais aussi la case située devant lui, privée elle aussi de la défense d’un pion.
Dans la partie suivante Palatnik – Tradardi, les Noirs ont un pion faible en e6 et g6.
Palatnik,S. – Tradardi, M. 1990
Dans la partie Smyslov – Rudakovsky, la case clé est la case d5 devant le pion faible.Smyslov joue 15. Fg5 et les difficultés des Noirs commencent, les Blancs éliminent le défenseur principale de d5, permettant au Cavalier Blanc de régner en maître sur l’avant-poste.
Smyslov, V. – Rudakovsky, I. 1945
Le pion noir e6 de Conquest est arriéré. Aucun compagnon amical dans les parages. Il ne peut être défendu ni avancé sans le support d’un collègue. Si le meneur des Noirs pouvait l’avancer, la faiblesse disparaîtrait. La faiblesse du pion arriéré est d’autant plus que grande que l’adversaire contrôle fermement la case située devant lui. Un pion arriéré n’est pas forcément fatal et voyons comment Adams manœuvre pour asseoir son avantage.
Adams, M. – Conquest, S. 2010
Les Noirs dans la position du diagramme 1 ont deux pions arriérés d’inégale gravité. Le pion b puisqu’il n’est pas sur une colonne ouverte ou semi-ouverte n’est pas une trop grande faiblesse. Par contre, il n’en est pas de même du trou en b6 qui est un bon avant-poste pour les Blancs. Le pion d est aussi arriéré et exposé sur la colonne et deviendra rapidement une cible et la case d5 deviendra vite un avant-poste pour un Cavalier! La Tour Blanche, d’ailleurs, commence à le pilonner!
Diag 1
Diag 2
Les questions à se poser devant un pion arriéré!
- Est-il sur une colonne ouverte? : S’il ne l’est pas, alors le pion ne deviendra pas une réelle faiblesse. Le pion b dans le diag. 1 n’est pas en danger.
- Le pion est-il bien soutenu? : Un pion bien protégé même sur une colonne ouverte peur résister à l’assaut ennemi. Dans le diag.2 le pion arriéré est bien protégé, la case d5, avant-poste possible pour les Blancs est également sous contrôle. Si les Noirs ont le trait, ils pousseront d5 et n’ont plus de problème. Les Blancs au trait peuvent jouer 1. Cd5 mais après FxCd5; 2. exd5 forcera les Blancs à occuper l’avant-poste par un pion.
- La case devant le pion est-elle bien protégée? : Dans le cas du diag. 1, les Blancs contrôlent totalement la case d5. La case faible dans le diag. 2, bien protégée par le Fou soutenu du Cavalier, n’est pas si faible que cela!.
- Le pion arriéré n’est-il qu’une épine dans le pied de l’adversaire ou a-t-il une utilité? Dans le diag. 3, le pion arriéré d5 protège solidement le pion e5 qui lui-même bloque la diagonale dangereuse du Fou Blanc posté en b2 et contrôle la case d4.
- Le pion arriéré peut-il avancer? : le pion d5, toujours dans la position du diagramme 3 peut sans danger avancé en d4. Il n’est arriéré qu’en apparence.
Diag 3
Szabo dans sa partie contre Tal au tournoi de Portoroz a un pion arriéré en c3. Les Noirs l’ont bloqué en plaçant une Tour en c4. Idéalement les Noirs peuvent attaquer c3 avec toutes leurs pièces et les Blancs doivent utiliser toutes les leurs pour le protéger. Comment les Noirs peuvent-ils progresser? Transférer le Cavalier en b5 semble le bon plan!
Dans cette position issue de la partie Van der Wiel, J. – Browne, W. 1980, les Blancs semblent avoir tout sous contrôle en ce qui concerne la case d5 attaquée par le pion, le Cavalier et le Fou en f3 et la Tour prête à venir apporter son soutien en d1 et en plus de e la perspective d’une armée de pions sur le point de lancer l’attaque sur le flanc Roi. Mais les Noirs ont un coup! Le trouverez-vous?
Van der Wiel, J. – Browne, W. 1980
Fischer dans cette partie espagnole doit empêcher la poussée c5 et maintenir la fermeture de la colonne c. Quel est son 19è coup? 19. b4? empêche bien c5 mais crée une case faible en c4 donnant au Cavalier un magnifique avant-poste 19. … Cc4!, fermant de plus la colonne. Fischer jouera 19. c3!
Fischer, R. – Barczay, L. 1967
Nous trouverons habituellement le pion arriéré sur la seconde ou troisième rangée. Dans la partie Karpov, A. – Andersson, U. 1973, l’ouverture des Noirs n’est pas un modèle du genre. En cédant la paire de Fous et en capturant en d4, ils ont rendu possible l’arrivée du Fou Blanc en d6, bloquant l’avance du pion d7 et empêchant les Noirs de se libérer. Un des problèmes du pion arriéré, en plus de sa propre faiblesse est de provoquer un manque d’espace de manœuvre pour son camp.
Karpov, A. – Andersson, U. 1973
Les Blancs ont endommagé la structure de pions noire mais 11. Dxe6+ ou 11 . Cg5 sont des continuations possibles mais qui vont donner aux Noirs un fort contre-jeu, Karpov joue 11. Fe3!