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A ceux qui fatigués d'apprendre veulent enfin savoir !

Le pion isolé

Un pion isolé est un pion qui n’a plus de pion de son camp sur les colonnes adjacentes. Un pion isolé peut être redoutable en milieu de partie. C’est souvent une faiblesse en finale, car il est difficile à défendre.

Ce pion isolé crée certains avantages : il peut se transformer en pion passé, il permet, s’il est central, de contrôler des cases importantes, il peut servir à attaquer la chaîne de pions adverse, son isolement permet souvent aux tours d’occuper les deux colonnes ouvertes ou semi-ouvertes qui lui sont adjacentes (colonnes e et g dans le diagramme). Une fois que ce pion est suffisamment avancé (à partir de la cinquième traverse pour les Blancs), il permet de rendre les pièces de son camp plus actives ouvrant souvent une diagonale à un fou ou de servant d’avant-poste à un cavalier.

La case située juste devant un pion isolé est en général une bonne case pour l’adversaire qui peut y placer une des ses pièces où elle sera protégée des attaques des tours adverses, permettant ainsi de bloquer le pion.

La technique de lutte contre un pion isolé, selon Jeremy Silman, est de commencer par l’échange des pièces légères, afin qu’elles ne puissent plus soutenir le pion, puis de l’attaquer avec une tour située sur la même colonne face à lui, tour soutenue par derrière par une dame, rendant « insoutenable » la pression sur ce pion.

Exemple 1

Keene – Miles Hasting, 1975
Trait aux Blancs

La meilleure façon de profiter des « avantages » du pion isolé est obtenue par l’activité des pièces, ce qui se traduit souvent par une attaque sur le Roi. On considère que dans la position ci-dessus, les Blancs possèdent de bonnes chances en milieu de jeu, mais les Noirs restent les favoris en finale.1.Fg5 Cb4?! [ Mieux vaut jouer le plan avec 1…b6! puis …Fb7 ] 2.Fb1 b6 3.Ce5 Fb7 4.Te3! [ Les Blancs y vont carrément et visent l’attaque directe, si possible le mat ! ]4…g6 5.Tg3 Tc8? [ Il fallait déjà penser à sauver les meubles par le sacrifice de qualité ; 5…Cc6!? 6.Fh6 Dxd4 7.Dxd4 Cxd4 8.Fxf8 Rxf8 +=] 6.Fh6 Te8 7.a3 Cc6 8.Cxg6! [ Le bouclier royal vole en éclats ! ] 8…hxg6 9.Fxg6 fxg6 10.Db1 Ce5 [ Le bon coup est « Abandon » ! ] 11.dxe5 Ce4 12.Cxe4 Rh7 13.Cf6+ Rh8 14.Fg7+ Rxg7 15.Dxg6+ 1-0

 

Exemple 2

Silman – Minev 
Portland, 1984

1…Tc6! 2.Rg2 Dd7 3.Tac1 Tfc8 4.Thd1 Txc1 5.Txc1 Txc1 6.Dxc1 f6 7.Fd4 a6 8.Dd2 Fg4 9.Fxg4 1/2 1/2

Exemple 3

D’abord et avant tout, les Blancs se doivent d’échanger autant de pièces légères que possible. Et les Fous blancs, moins actifs que leurs rivaux, peuvent partir en priorité.1.Cg5! Fxe2 2.Dxe2 Cxd4 ?! Une erreur, évidemment. Les Noirs ne devraient pas être si pressés d’échanger les pièces. Sans aucun doute, mieux était ; 2…h6 3.Cgf3 qui laisse quand même les Blancs dans une meilleure position. 3.Fxd4 Cf5 4.Dd3 h6 5.Cf3 Tfe8 6.Tad1 Les Blancs renforcent leur position, car ils ont tout le temps devant eux. Souvenez-vous que la vulnérabilité d’un pion isolé est de nature durable. Il faut veiller quand même à minimiser le contre-jeu adverse et ne pas laisser les Noirs échanger les Tours. 6…Txe1+ 7.Txe1 Ce7 8.g3 Réserve au Roi une isssue de secours et émousse l’épieu du dernier Fou noir. 8…Cc6 9.Rg2 Protège les cases f3 et h3, continuant l’amélioration de la position blanche. 9…Te8 10.Td1 Sans la Tour (associé à la Dame) la victoire serait problématique. 10…De6 10…Te4? 11.Fe3! Ce7 12.Dxe4  » 11.Te1 Pour empêcher 11…De4 11…Dd7 12.Fe3 Refuse toujours d’échanger les Tours. 12…Td8 12…De6 13.Td1 13.Td1 De7 14.Cd4 En route vers la case f5. 14…Cxd4 Evente le piège 14…De4+ 15.Dxe4 dxe4 16.Cxc6 Txd1 17.Cxb8 Td8 18.Fxa7 15.Dxd4! Les Blancs se proposent d’échanger la dernière pièce légère.15…a6 16.Ff4 Fxf4 17.Dxf4 La position rêvée ! Le plan Blanc est le suivant : Jouer Td4 ; Dd2 ; et utiliser le clouage du pion d pour le gagner par c3-c4. Dans ce type position, J. Silman nous fait justement remarqué que si les Noirs ont le choix, ils doivent préférer la finale de Dame. Ainsi le Roi blanc hésitera beaucoup plus à s’approcher du centre. Le clouage disparait aussi.

17…Dc5 18.Td4 Dc6 19.Dd2 b5 Plus ou moins forcé, mais maintenant d’autres faiblesses apparaissent. 20.Rg1 La position est calme et les Blancs en profitent pour quitter le clouage. 20…Dg6 21.a3 Les Noirs menaçaient de gagner le pion par 21…Db1+. Pourquoi pas 21.a4? Parce qu’en finale il faut se hâter lentement ! Les coups de repos font souvent perdre contenance à un adversaire condamné à l’inaction.21…Rf8? 22.h4 Db1+ 23.Rg2 Df5 24.a4! De6 Après 24…bxa4 Txa4 les Noirs ont simplement une faiblesse de plus. 25.axb5 axb5 26.Dd3 Même sans cette attaque double, les Blancs pouvaient gagner par ; b2-b3 et c3-c4.

26…Rg8 27.Dxb5 Td6 28.Dd3 g6 29.c4 dxc4 La finale de pions est perdante aussi.30.Txd6 cxd3 31.Txe6 fxe6 32.Rf3 e5 33.Re3 e4 34.f3 exf3 35.Rxf3 g5 36.hxg5 hxg5 37.g4 1-0

Pion isolé mais central

La stratégie moderne fait grand cas d’un problème extrêmement difficile à trancher : le fameux pion isolé.

De nombreux auteurs se sont penchés sur cette structure de pions particulière, les échanges ayant parfois été relativement « rudes ». Gardons pour mémoire le caractère entier d’un Tarrach défendant avec force sa conception de la « meilleure » réponse au gambit Dame à savoir la fameuse défense Tarrach conduisant de façon inéluctable à la formation d’un pion isolé !

Si l’émergence de ce point précis de la stratégie concernant le squelette de pion a été conflictuelle, une synthèse a petit à petit émergé de la cacophonie. Une fois de plus le mérite en revient à Nimzovitch. Dans son remarquable ouvrage Mon Système, ce joueur passe au rayon X cette structure de pion très particulière. Sa démonstration est magistrale, elle repose sur deux constatations :

  • Un pion isolé représente une faiblesse statique intrinsèque. En cas d’attaque ce dernier ne peut être secouru par un de ces collègues et c’est une pièce qui devra accomplir cette tache. Une conséquence inattendue de la non-présence d’un collègue est la relative faiblesse de toutes les cases entourant ce pion isolé.
  • Un pion isolé possède cependant une certaine force dynamique. Cette force repose sur le fait que ce pion est central et qu’il contrôle des cases importantes. Un cavaler installé sur une telle case (é5 pour un pion dame isolé) sera une menace permanente et pèsera de tout son poids sur la position adverse.

Redoutable synthèse !

C’est un véritable compromis entre faiblesse statique et force dynamique. Posé en ces termes le débat devient beaucoup plus passionnant ! La force dynamique compense-t-elle la faiblesse statique ? Si la réponse est oui alors tout va bien (pour le moment), si la réponse est non alors sortons les mouchoirs car le temps va être rude très rude.

De part cette synthèse aucune position définitive ne pourra être obtenue pour répondre à la question de la force ou de la faiblesse d’un pion isolé. C’est à chacun de se prononcer en fonction de son expérience, de son style, de sa personnalité propre. Chaque joueur aura donc « sa » réponse !

Certains vont fuir systématiquement tout pion isolé, d’autres au contraire rechercherons les tendances agressives d’un tel pion, d’autres encore seront plus pragmatiques sans rechercher systématiquement un pion isolé ils feront « avec » si le cas se présente. Certains systèmes d’ouverture permettent l’émergence d’un tel pion avec une facilité déconcertante, c’est le cas par exemple du gambit dame accepté, de la Tarrach, de la Française, de la Sicilienne avec 2.ç3, etc ?. Si ces systèmes d’ouvertures restent excellents il est vrai qu’ils ne sont pas adaptés à tous les joueurs. (CQFD).

Voici un extrait de ma propre expérience avec un pion isolé mais central, mais avec un éclairage partiel voire partial. Dans cet article le lecteur ne trouvera que la partie « malheureuse » de cette expérience pour la partie heureuse encore quelque patience, rendez-vous pris dans un futur numéro.

La Sicilienne avec 2.ç3 permet très facilement aux blancs d’infliger un pion dame isolé aux noirs si ces derniers répondent par 2 ?. d5. Même sur 2…Cf6 les blancs peuvent forcer un pion dame isolé (dans leur propre camp !) :

1.e4 ç5 2.ç3 Cf6

L’autre terme de l’alternative est 2..d5.

Exemple n°1 : Wetzel Yvinec Ajec T 4624

1. e4 c5 2.c3

Une très désagréable surprise pour les noirs. A l’époque de cette partie mon approche de la Sicilienne était exclusivement « dragonnesque ». C’est à l’issue de cette partie que j’ai « injecté » la Sicilienne avec 2.ç3 dans mon répertoire. Merci M.Wetzel pour cette découverte.

2…d5 3.exd Dxd5 4.d4 e6 5.Cf3 Cc6 6.Ca3

Cette idée est intéressante, menace sur b5 et consolidation de d4 par Cc2.

6..Dd8 7.Cc2 Cf6 8.Fe2 Fe7 9.h3 O-O 10.Fe3 cxd 11.Cc2xd4 Cxd4 12.Fxd4 Da5 13.O-O b6 14.Ce5 Fb7 15.a3 Dd5 16.Ff3 Ce4 17.Te1 f5

Et nulle au 31° coup.
L’intérêt de cette variante, pour les blancs, est d’oblitérer complètement les tendances agressives des noirs dans la Sicilienne et de les obliger à jouer beaucoup plus stratégiquement comme dans un gambit dame accepté. Ce qui n’est peut-être pas du goût d’un joueur de Sicilienne.

Reprenons la variante principale de notre exposé, à savoir la réponse 2..Cf6, plus dynamique et amenant des positions relativement proche de l’Alekhine.

3.e5 Cd5 4.d4 çxd4 5.çxd4 d6 6.Cf3 Cç6 7.Fc4 Cb6 8.Fb5 dxe

8….dxe est la réponse noire la plus forte ! On rencontre, cependant 8..Fd7(exemple 2) et 8..d5 (exemple 3)

Exemple 2. Yvinec Deschamps Intercercles 1984 (pendule)

8…Fd7 9.Cc3 Tc8 10.O-O e6 11.De2 d5 12.a3 Fe7 13.Fe3 a6 14.Fd3

et les blancs dominent (1-0 au 30° coup).

La position noire est trop passive.

Exemple n°3 Yvinec Bauer C. Corr.1986

8..d5 9.Cc3 Fg4 10.h3 Fh5 11.g4 Fg6 12.e6 !

Une recommandation de Youdovitch.

12…0-1 ! !

Cette très courte partie est remarquable par le fait que les blancs n’ont joué aucun coups « à eux », ils sont toujours restés dans la théorie ! Les livres ont « parfois » du bon !

9.Cxe Fd7 10.Fxc6 Fxc6 11.Cxc6 bxc6

diagEt voici donc la fameuse structure de pion !

La présente position possède cependant d’autres caractéristiques. Certes le pion d4 est isolé, mais il n’est pas le seul : a7 et ç6 le sont également. Mais cela n’est pas tout. En effet la force dynamique d’un pion isolé repose sur le contrôle de cases centrales mais également dans la force du soutient qu’il est capable d’apporter à un cavalier « éclaireur » au centre. Dans la présente situation le pion contrôle e5 et ç5, mais le pauvre cheval en b1 et loin très loin de e5 ! Reste ç5 et le jeu sur la colonne ç ; mais la pression exercée sur la position noire sera beaucoup plus faible que celle pouvant être obtenue avec un formidable cheval en é5 appuyé par une paire de fous déchaînée.

Le jugement positionnel de cette position est délicat. Différents auteurs se sont penchés sur ce problème ?et les conclusions ont varié dans le temps !

1. En première approche : les blancs sont bien mieux (Fuller et Pickett, 1977),

2. Chandler émet des doutes sur cette conclusion (Chandler, 1981)

3. ECO donne partie égale (1997)

4. Gallager conclut à une nulle « stérile »(1999).

Il convient cependant de noter qu’entre la première conclusion et la dernière ?une bonne vingtaine d’années s’est écoulée !

12.Cc3 e6 13.Dg4 !

Ce coup de dame, une proposition de Chandler, a pour ambition de mettre toute l’aile roi des noirs sous pression.

L’expérience de votre (humble) serviteur (avec les blancs) est multiple dans cette position : trois tentatives (une à la pendule et deux par correspondance).
diag

Les différentes tentatives noires ont été :

  • 13..Cd5
  • 13..Tc8
  • 13..h5 !

A noter que ces deux dernières parties se sont déroulées entre les deux même joueurs et ce à 10 ans d’intervalle !

Exemple n°4 Yvinec jean-marc.

 

Evans Robin Poole 07/04/1984 (rencontre amicale Cherbourg-Poole)

13..Cd5 14.O-O Cf6 15. Df3 Tc8 16.Fe3 Fe7 17.Ta-c1 O-O 18.Tf-d1 Cd5 19. Ce4 Db6 20.De2 Tc7 21. Cc5 Td8 22. a3 Cxe3 23. fxe3 Fxc5 24. Txc5 Td5 25.Td-c1 Txc5 26.Txc5

Et nulle sur proposition des noirs qui ajoutent : « ho ! the bar is open ?do you want draw ? ».
Dans la présente position les blancs sont bien mieux, mais une telle invitation (dans un contexte amical) ne se refuse pas ! !

Exemple n°5 Yvinec Bouillot Ajec : 86/8.B3

 

13.Dg4 ! Tc8 14.O-O Df6 15.Fe3 Fe7 16.Ce4
En route pour c5.

16..Dg6 17.Dxg6 hxg6 18.Tf-c1 Th5 19.f3 Tb5

On remarque ici, « l’avantage » d’avoir une structure de pion éclatée : les lignes sont ouvertes pour les pièces !

20.b3 Rd7 21.Tc2 Cd5 22.Fd2 Fa3 23.Rf1

Et dans cette position égale, les noirs trébuchent par

23..f5 ? !

(1-0 au 30° coup).

Cette expérience est intéressante et remarquable. La pression exercée sur l’aile roi des noirs est quasiment inexistante, il ne reste donc aux blancs qu’une éventuelle pression sur la colonne c et le pion faible en ç6. A remarquer, également la pression que les noirs peuvent exercer sur le pion b2, limitant d’autant la liberté de man ?uvre des blancs. Ces derniers ont intérêt à construire une position solide autour du pion d4 ?et à faire preuve de patience ?attendant que les noirs se découvrent. C’est de la chasse à l’affût !

Dans l’exemple suivant M.Bouillot va améliorer la variante et démontrer de façon éclatante ?que les noirs ne risquent rien dans cette variante ! !

Au contraire se sont eux qui mènent la danse ?et on peut voir les blancs bien à la peine pour générer un jeu actif.

Exemple n°6 Yvinec Bouillot Ajec : T 1242 1996

 

13.Dg4 ! h5 !

Ce coup est fort, très fort ! Il me rappelle une position issue du gambit Millner-Barry dans la variante d’avance de la Française. Les noirs profitent immédiatement de la position quelque peu exposée de la dame blanche.

14.Df3 Cb6-d5 15.O-O Df6 16.De4 Ta-b8 17.Tf-e1 Fe7 18.Te1-e2 O-O

Les blancs commencent à avoir quelques difficultés de placement pour leurs pièces. En e4 la dame est certes centrale, mais empêche le Cc3 de se glisser vers c5 (via e4). Une fois de plus nous pouvons remarquer la pression exercée par la Tb8 sur le pauvre pion b2, limitant ainsi de façon drastique les possibilités blanches.
Les possibilités agressives liées au pion central ne sont pas au rendez-vous, nous voyons plutôt les blancs se concentrer sur la « surprotection » de leurs pions faibles d4 et b2 ( !).

19.Fe3 Tb4 20.Ta1-c1 Tf8-b8

Une bien belle colonne de pression.

21.b3 Cd5xc3 22.Txc3 ç5

Les noirs prennent doucement le dessus !

23.Te2-d2 Tb8-d8 24.Tc4 a5 25.Td3 Td5 26.a3 et gain noir.

Les blancs sont complètement « ficelés » à la défense des pions d4 et b2. La présente position ne leur réserve que de la peine ?sans aucune perspective de contre-jeu actif.
La seule tentative d’amélioration semble constituer ?par l’abandon de la variante commençant par 8.Fb5 ?pour rejoindre le coup à la mode 8.Fb3 ! permettant aux blancs d’obtenir les compensations dynamiques évoquées plus haut.
Merci M. Bouillot pour cette remarquable démonstration.

Ainsi donc les théoriciens auraient raison ! Dans cette variante les possibilités de gain pour les blancs sont quasiment inexistantes. On comprend mieux maintenant pourquoi le coup 8.Fb5 est tombé (non sans raison) dans l’oubli. La suite moderne 8.Fb3 ! est bien plus conforme à l’esprit dynamique que les blancs doivent adopter dans la Sicilienne avec 2.ç3. Il aura fallu 10 ans et une double démonstration par M.Bouillot pour convaincre votre serviteur ! Mais cela est bien connu, un joueur par correspondance (surtout postal) n’est jamais pressé !

Nous allons maintenant quitter les eaux « troubles » de la Sicilienne pour regarder une position issue de la défense Nimzovitch du pion Roi. Nous allons retrouver un pion isolé mais central, mais à la différence des exemples ci-dessus, il s’agit d’un pion roi isolé. Toutes les considérations évoquées pour le pion dame isolé sont également « valable » pour un pion roi isolé !

La seule différence va concerner le contrôle central induit par le pion e. En effet le pion e5 contrôle d4 et f4 ; et c’est sur cette dernière case qu’un éventuel cavalier éclaireur pourra s’installer ?

Exemple n°7 Zajontz (MI)) Yvinec Coupe du monde X11, section 15.

Ma première rencontre avec un MI, ? alors courage ?

1.e4 Cc6 2.d4 d5 3.Cc3 dxe

La grande variante de la « Nimzovitch ».
Possible également :

  • 3…e6
  • 3…Cf6 ! ?

Cette dernière possibilité est extrêmement intéressante et bien meilleure que sa réputation.

4.d5 Ce5 5.Dd4 Cg6 6.Dxe4

La suite la plus simple.

6..a6 7.Cf3 Cf6 8..Da4 Fd7 9.Db3 Dc8 10.Fg5 ! h6 11.Fd2 e6 12.Fc4 Fd6 13.dxe Fxe6 14.Fxe6 Dxe6 15.Dxe6 fxe6

diag

Et revoilà notre pion isolé mais central. Mais là encore certaines particularités de la position viennent altérer le jugement concernant ces fameux pions isolés ! Dans le cas présent, les dames et une paire de fous manquent à l’appel. Les possibilités agressives en sont réduites d’autant (du point de vue des noirs). Les faiblesses statiques elles sont toujours bien présentes. Les noirs vont devoir faire un effort spécifique pour dynamiser leur position sans échanger plus de pièces ?en bref, trouver un bon plan de bataille ! Cette position me semble cependant parfaitement jouable pour les noirs ?sous réserve d’identifier rapidement le « bon » plan et de ne pas tomber dans une finale difficile ! Nous verrons bientôt, comment votre pauvre serviteur va réussir ? à ne pas résoudre correctement ce petit problème.

16.O-O O-O 17.Tf-e1 e5 18.Ce4 !

Un pion isolé doit être bloqué ! (Nimzovitch).

18..Rh7 ? !

Le début d’un plan critiquable. L’idée des noirs est de ne pas échanger en é4 pour garder le maximum de pièces sur l’échiquier. Le roi va donc défendre le pion faible h6 (c. f. 10.Fg5 !) pour éventuellement reprendre par le pion g si les blancs échangent en f6.

19.Tad1 a5

Avec l’idée d’activer la Ta8 via a6 ?.
Un mauvais plan, car doucement les noirs affaiblissent leur position de façon irrémédiable. Un pion isolé représente une faiblesse statique, ce n’est pas une raison pour « bousiller » ainsi toute l’aile dame et mettre tous les pions sur des cases de la même couleur que le fou ! !

20.a4 Cxe4

Les noirs prennent (tardivement) conscience de leur erreur ; ils remplacent le formidable cavalier blanc par un bloqueur qu’ils jugent « non-élastique ».

21Txe4 b6

Pauvre structure de pions et pauvre aile dame. Les noirs alignent leurs pions sur la couleur de leur fou. Une bien étrange conception stratégique. En quatre petits coups les noirs viennent d’hypothéquer leur position. Les blancs ont maintenant l’avantage ?et ils ne vont plus le lâcher. La torture positionnelle peut commencer.

22.Rf1 Ta-e8 23.Fe3 !

Une désagréable surprise pour les noirs qui attendaient 23.Fc3. L’avance latérale des noirs à l’aile dame constitue ce que Nimzovitch appelle une faiblesse réflexe (voir le remarquable ouvrage Mon Système). Selon ce redoutable joueur des qu’une faiblesse réflexe apparaît dans la position, l’attaquant doit immédiatement se détourner de la faiblesse principale pour porter tout le poids du combat sur la nouvelle faille de la position adverse ?puis, plus tard revenir avec encore plus de force sur la faiblesse initiale.
La fragilité de l’aile noire est criante. Les blancs ont tous les atouts en main. Ils sont mieux, bien mieux. Les noirs n’ont pas réussi à négocier cette phase de la partie, leur plan était faux ?et la position obtenue pas très encourageante pour la suite du combat. Toute finale sera perdante pour eux. Le salut passe par le milieu de partie ?il faut compliquer, compliquer ?et pécher en eaux troubles

23..Td8 24.b3 Fb4 ! ?

Commence maintenant une partie de « qui-cloue-qui » !
Petite phase tactique sans grand danger pour les blancs ; le pion e5 est imprenable. Les blancs vont rapidement renvoyer les pièces noires dans leur « 22 mètres » ?et il ne restera plus au conducteur des noirs que les yeux pour pleurer ?
Cette activité vient beaucoup trop tard ; c’est vers le 18° coup qu’il fallait réfléchir et ce poser la question de savoir comment valoriser la force dynamique du pion central. La colonne f et la case f4 auraient dus les inciter à porter leur regard de ce côté de l’échiquier ?les compensations étaient sans doute sur l’aile roi. Il faudra attendre le 35° coup pour voir enfin une pièce « s’occuper » de f4 !
Dommage, mais la vie est ainsi faite. Notre jeu pratique n’est pas toujours à la hauteur de nos espérances et de nos espoirs. Il est vrai qu’il est plus facile pour les amateurs que nous sommes de lancer une furieuse attaque à sacrifices sur un roi que de jouer plus positionnellement et de façon stratégique. Le jeu d’échecs est vraiment un jeu difficile mais c’est un très beau jeu !
C’est par une analyse critique et objective de chacune des parties que nous jouons que nous pouvons progresser. Alors n’hésitons plus, analysons nos partie, et publions le résultats de notre travail dans ce remarquable « Courrier Des Echecs » que nous attendons tous avec impatience chaque mois ! Plus de fausse pudeur, au travail !

25.Txd8 Txd8 26.g3 Fd6 27.h4 Tf8

Par ce coup les noirs veulent forcer le roi blanc à avancer pour couper toute retraite à la Te4

28.Re2 Te8 29.Cd2 !

En route vers ç4. La position noire va bientôt imploser.

29.. Ce7 30.Cc4 Cf5 31.g4 Cxe3 32.Txe3 Rg8 33.Cxd6 cxd6 34.Tc3 !

C’est « le coup » que les noirs n’ont pas vu quand ils se sont lancé dans cette phase du « qui-cloue-qui » !
Le bloqueur « non élastique » sur e4 a trouvé un petit trou de souri, il va maintenant déployer une activité mortelle. Les noirs vont perdre un pion de façon forcée.

34.. Tf8

Par des moyens simples et sans risques les blancs ont forcé une finale sans doute gagnante !
Les pions vont maintenant tomber comme des mouches, et toute l’aile dame des noirs va y passer. Comme dit le dicton : « les blancs gagnent un pion et la partie » !
Et faisons confiance à la technique d’un MI pour concrétiser le gain. La leçon sera cruelle mais espérons le profitable.

35.Tc6 Tf4

Une occupation de f4 bien tardive ! Les noirs, de part leur plan douteux (voir le 18° coup et suivants), n’ont pas réussi à capitaliser la force dynamique du pion isolé mais central en e5. La facture sera bien lourde ?

36.Txd6 Txg4 37.Txb6 Txh4 38.Tb5 Te4

Avec l’idée de conserver le pion e5 comme bouclier pour couvrir le cheminement du roi noir vers l’aile dame ?

39.Rd3

Les noirs vont regretter amèrement d’avoir provoqué l’avance centrale du roi blanc (voir la remarque au 27° coup).

39.. Te1 40.Txa6 Rf7 41.Rd2 Tf1 42.Txe5 Txf2 43.Te2 Tf1

Le carnage est terminé. La fin est maintenant proche. La « bête » aura bien encore quelques soubresauts, mais c’est bel et bien terminé.

44.c4 g5 45.c5 h5 46.b4 Tf4

Avec l’idée de forcer les blancs a se découvrir à l’aile dame pour donner quelque place à la tour. Mais c’est toute l’aile dame blanche qui va avancer comme à la parade vers la promotion.

47.Rc3 Tf3

Toujours cette idée de forcer l’avance du roi blanc pour obtenir de l’espace derrière les pions passés.

48.Rc4 g4 49.c6 g3 50.c7 Tf1 51.Rb5 Tc1 52.Rb6 h4 53.Tg2 Re6 54.Tg1 !

La stratégie noire est un véritable fiasco !
Le bateau prend l’eau de toute part la position est maintenant sans espoir. La main mise des blancs sur cette partie a été totale. Ils n’ont jamais été mis en difficultés, et ont toujours fait la course « en tête » . Du bien bel ouvrage, du grand art !
A méditer !
La partie aurait pu se terminer à ce stade, mais une petite discussion s’était instaurée entre les deux joueurs sur la Ponziani. C’est en effet vers ce stade de la partie que les noirs sont « tombés » sur quelques parties jouées par Zajontz avec les blancs ; et surprise les blancs avaient utilisé plusieurs foi la Ponziani, une ouverture également pratiquée par votre serviteur. Ne riez pas lecteur, la Ponziani est une ouverture beaucoup plus perfide que bien des joueurs ne le suppose ; elle a était pratiqué par des joueurs comme Tartakover, Velimirovic et autres Hector (des joueurs pas particulièrement passifs) !

L’analyse de ces quelques parties a provoqué quelques regrets chez les noirs car la technique des blancs en finale s’est avérée redoutable. En d’autres termes la position issue après le 15° coup n’est peut-être pas à jouer contre un joueur du style de Zajontz ! Dommage de ne pas avoir eu ces informations au début de cette partie, car les noirs auraient sans doute testé la variante 3 ?.Cf6 ! ? (variante Vehre) bien meilleure que la réputation que nous pouvons trouver dans les références bibliographiques concernant la Nimzovitch du pion Roi.

Ceci est une preuve de plus que la préparation à un tournoi, à une partie, etc. , doit prendre en compte tous les éléments intervenant dans la « lutte », y compris les spécificités de l’adversaire et pas seulement le choix de tel ou tel système d’ouverture. Peut-être le début de la sagesse ! ?.

54..Tc4 55.a5 h3

Encore un tout petit piège avant que de baisser le rideau.

56.Txg3 h2 57.Th3 Rd6 58.b5 Txc7 59.Txh Tc8 60.Td2 Re5 61.a6 Tg8 62.a7 abandon.

Une défaite lourde, très lourde, une véritable déroute positionnelle nette et sans bavure. Une bien « rude » leçon concernant les inconvénients d’un pion isolé.
Les noirs n’ont jamais réussi à mettre en avant les aspects positifs du pion isolé (mais central). Ayant échoué à mettre en œuvre la force dynamique du pion isolé, les noirs ont du subir la torture positionnelle imposée par les blancs. Dans cette partie les inconvénients d’un pion isolé ont parfaitement été exploités par M.Zajontz ; une bien belle leçon.

Que conclure de ces quelques exemples ?

Les faiblesses statiques d’un pion isolé seraient-elles plus importantes que la force dynamique de l’ « isolat » central ? Que nenni ! Il convient de tenir compte de toutes les caractéristiques de la position. Reprenons ce que nous avons dit dans l’introduction : « La force dynamique compense-t-elle la faiblesse statique ? Si la réponse est oui ?alors tout va bien (pour le moment), si la réponse est non ?alors sortons les mouchoirs car le temps va être rude ?très rude ».

Doit-on considérer que le joueur, acceptant un pion isolé mais central, joue en fait une sorte de gambit positionnel ? Et que, comme tout bon gambit qui se respecte, la vérité réside dans les compensations obtenues ?

J’aime cette comparaison avec les gambits, où un des deux joueurs investis non pas du matériel, mais un petit peu de sa position (faiblesse statique du pion isolé) pour y trouver des compensations dynamiques (force du pion isolé mais central). Et comme dans tout gambit, attention si les compensations ne sont pas à la hauteur de l’investissement initial ?alors survient la catastrophe et un gros O sur la feuille de partie !

Notes et références

  1.  (enAdrian Mikhaltchichine, Yaroslaw Srokowski, Vitaly Braslavsky, Isolated pawn: Theory of chess middlegame, Intelinvest Co. Ltd. (Chess Academy Series), 1995, ISBN 9-785770-758221.
  2. ↑ abcde et f Jeremy SilmanMurir son style par l’exemple : ou comment tirer parti des déséquilibres aux échecs, Echecs et Maths, 2001, 433 p. (ISBN 1-895525-07-1)p. 21-24
  3. ↑ a et b Aron NimzowitschLe Blocage, Olibris, 2012, 120 p. (ISBN 978-2-916340-59-3)p. 23

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