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Les différents cas de nullité

Dans le monde du jeu échecs, la nulle (aussi appelée partie nullematch nul ou le nul) est l’une des issues possibles d’une partie d’échecs quand il n’y a pas de victoire du camp Blanc ou Noir. La « nulle » est alors synonyme d’ex æquo. Dans les tournois d’échecs où une victoire compte pour un point et une défaite zéro, la nulle vaut habituellement un demi-pointa.

Dans les parties d’échecs jouées au plus haut niveau, la nulle est souvent le résultat le plus probable : en se basant sur une collection de 22 000 parties publiées dans The Week in Chess entre 1999 et 2002 par des joueurs avec un classement Elo de la Fédération internationale des échecs (FIDE) de plus de 2500 points (soit des grands maîtres internationaux), 55 % des parties étaient des nulles.

Une grande proportion des parties entre programmes d’échecs sont également des nulles1.

L’avantage du trait initial

On pense généralement qu’avec un jeu parfait, la partie se termine toujours par la nulle. Une des raisons pour cela est qu’un avantage de pion pour un des joueurs est souvent suffisant pour gagner, mais pas toujours. Par exemple, une finale roi et pion contre roi seul peut aboutir à une nulle ou une victoire en fonction de la position et du trait. Cependant, l’avantage du trait initial des Blancs est estimé à une fraction de pion, il est donc plausible qu’avec un jeu parfait de part et d’autre l’avantage des Blancs soit insuffisant pour forcer une victoire. Néanmoins, la pratique du jeu n’étant pas parfaite, le trait initial donne aux Blancs un avantage tel que les Blancs gagnent nettement plus souvent que les Noirs, même au plus haut niveau.

On dit aussi parfois que l’avantage des Blancs leur permet de faire une petite erreur et de quand même faire la nulle, et qu’il faut deux erreurs pour perdre, tandis que les Noirs, s’ils commettent une seule erreur, même minime, peuvent perdre avec un jeu précis des Blancs. C’est pour cette raison qu’une nulle est considérée comme un résultat satisfaisant pour les Noirs, et que les joueurs de haut niveau tentent de gagner avec les Blancs. À un niveau moins poussé, le taux de nulles chute : sur environ 40 000 parties entre joueurs classés entre 2300 et 2499, 45 % finissent par la nulle, et sur les 22 500 parties avec des joueurs de 2100 à 2299, le taux est de 34 %. L’avantage du trait initial est moins significatif quand le niveau de jeu est plus bas, dans la mesure où des erreurs plus importantes sont commises dans la partie à cause d’un jeu moins précis de part et d’autre.

L’article 5.2 des règles du jeu de la FIDE détaille les différents cas de nulle :

  • Le pat : si le joueur au trait ne peut exécuter aucun coup légal et n’est pas en échec, on dit qu’il est pat et la partie est nulle.
  • La nulle par consentement mutuel : un joueur peut proposer la nulle à son adversaire pendant la partie. Si ce dernier accepte, la partie est nulle.
  • La triple répétition de la position : si une position identique va se produire pour la troisième fois, un joueur peut réclamer la nulle en faisant appel à l’arbitre. Le demandeur note le coup de la triple répétition sur sa feuille de partie sans le jouer et réclame la nulle. L’article 9.2 précise que la position est considérée comme identique si le même joueur est au trait, que les pièces de mêmes couleurs sont aux mêmes positions et que les coups possibles sont les mêmes, notamment en ce qui concerne le roque et la prise en passant. Si la demande de nulle n’est pas effectuée avant le coup qui amène à la répétition, le demandeur perd son droit à la nulle.
  • La règle des 50 coups
    • Aux échecs, la règle des cinquante coups est une règle qui dispose qu’un des joueurs peut obtenir la partie nulle si cinquante coups se sont écoulés depuis la dernière capture ou la dernière poussée d’un pion. La motivation de cette règle est de prévoir un terme à une partie au cas où l’un des joueurs continuerait à jouer indéfiniment sans progresser vers un mat. Toutes les finales gagnantes habituelles peuvent aboutir à un mat en moins de 50 coups.Au cours du xxe siècle, avec la découverte de certaines finales qui ne peuvent être gagnées qu’en plus de 50 coups avec le meilleur jeu, la règle a été modifiée pour inclure certaines exceptions où 100 coups étaient alors autorisés. En 1992, la Fédération internationale des échecs a cependant aboli ces exceptions et réinstauré la règle des 50 coups dans tous les cas. Depuis 2018, la partie est automatiquement déclarée nulle après 75 coups écoulés depuis la dernière capture ou la dernière poussée d’un pion.
    • La règle des 50 coups est exprimée à l’article 9.3 des règles du jeu de la FIDE1 :

      9.3 La partie est nulle, sur une demande correcte du joueur ayant le trait, si :

      a) il écrit son coup sur sa feuille de partie et déclare à l’arbitre son intention de jouer ce coup ayant pour conséquence que les 50 derniers coups consécutifs ont été exécutés par chacun des joueurs sans mouvement de pion ni aucune prise de pièce, ou
      b) les 50 derniers coups consécutifs ont été joués par chacun des joueurs sans le mouvement d’aucun pion et sans aucune prise de pièce.

      Le coup visé en a) ne peut pas être une capture ou un mouvement de pion. La demande peut être faite à n’importe quel moment où les conditions sont réunies, et pas seulement à la première apparition d’une telle position.

      La partie n’est pas automatiquement nulle quand une telle condition apparaît : elle doit faire l’objet d’une demande explicite de l’un des joueurs, et sa validité constatée par l’arbitre. En théorie, une partie pouvait se poursuivre indéfiniment si aucun des joueurs ne faisait la demande, et pour autant que la cadence de jeu le permette. Cependant, ce cas ne se rencontre pas en pratique, l’un des joueurs étant toujours prompt à faire cette demande (Hooper et Whyld 1992). Cependant, depuis 2018, la partie est nulle après 75 coups sans mouvement de pion ni aucune prise de pièce : l’arbitre peut donc intervenir pour déclarer la partie nulle2.

      Les parties déclarées nulles à la suite de l’application de la règle sont rares. Un exemple est la partie Filipowicz – Smederevac, Polanica-Zdrój (mémorial Rubinstein) 19663, déclarée nulle au 70e coup, sans aucune capture effectuée dans la partie et un dernier coup de pion au 20e coup. Dans la partie Pouw – Van Dort, Oegstgeest 2005, les Noirs obtiennent la nulle au 69e coup4, ce qui constitue la partie de tournoi connue la plus courte où cette règle est appliquée.

    • Histoire

      La règle a une histoire ancienne, introduite par Ruy López dans son livre de 156110. À une certaine époque, on pensait que toutes les parties qui pouvaient être gagnées pouvaient l’être sans que la règle soit un obstacle. Cependant, au cours du xxe siècle, quelques exceptions furent identifiées, notamment par Alekseï Troïtski dans son analyse de la finale avec deux cavaliers ainsi que dans tour et fou contre tour. La règle du jeu a été modifiée à plusieurs reprises pour permettre des exceptions dans des situations particulières. Autrefois, la règle s’appliquait en tournoi, mais pas en match11.

      Pendant cette période où la règle admettait des exceptions, il y eut quelques variations. En 1928, la FIDE édicta une règle indiquant que 132 coups étaient permis dans la finale tour et fou contre tour, soit le double de ce que l’on pensait alors nécessaire pour aboutir à la victoire, soit 66 coups (des études ultérieures ont montré qu’en réalité, seuls 59 coups sont nécessaires). En 1952, la FIDE modifie la règle, obligeant les deux joueurs à s’accorder sur cette extension avant le début de la partie12.

      À un certain moment, la règle fut modifiée pour permettre 100 coups dans de telles positions. D’autres positions où 50 coups n’étaient pas suffisants furent identifiées. La FIDE inclut les finales suivantes :

      1. dame contre deux fous
      2. dame contre deux cavaliers
      3. deux fous contre un cavalier
      4. deux cavaliers contre un pion
      5. tour et fou contre tour
      6. dame et pion sur la 7e rangée contre une dame

      La règle des 100 coups resta en vigueur pendant quelques années, puis fut remplacée par 75 coups en 198813.

      Une des premières table de finale réalisée par Ken Thompson montra que certaines positions de la finale tour et fou contre tour pouvaient être gagnées, mais demandaient 59 coups. La FIDE permit alors 100 coups pour cette finale, puis la règle passa à 75 coups et enfin à 50 coups14,15,16. Les travaux de Thompson au cours des années 1980 avec Belle permirent de découvrir de nombreuses finales gagnantes en plus de 50 coups. Cependant, certaines impliquaient des coups apparemment incompréhensibles qui défiaient la compréhension humaine du jeu, et des positions extrêmement improbables en pratique17. En plus de leur caractère contre-intuitif, ces finales étaient inaccessibles même aux meilleurs des joueurs, incapables de trouver des suites de 100 coups théoriquement parfaits sans stratégie sous-jacente compréhensible. En 1992, les exceptions sont donc abolies en faveur d’une limite uniforme de 50 coups.

      La recherche dans le domaine des finales s’est poursuivie. La capacité de calcul des ordinateurs s’étant accrue, il est devenu possible de déterminer le jeu parfait avec un nombre de pièces restreint par l’analyse exhaustive de toutes les positions possibles. En 2008, la finale gagnante la plus longue est de 517 coups (avec le meilleur jeu de part et d’autre) sans prise de pièce ni poussée de pion, dans une finale dame et cavalier contre tour, fou et cavalier.

      De nombreuses parties qui détiennent des records de longueur impliquent une finale tour et fou contre tour, alors que la règle de l’extension était encore en vigueur18.

    • L’impossibilité de mater : s’il survient une position dans laquelle aucun des deux joueurs ne peut donner d’échec et mat par aucune suite de coups légaux, la partie est nulle. Cela se produit notamment dans certaines finales telles que :
      • roi contre roi,
      • roi et fou contre roi,
      • roi et cavalier contre roi,
      • roi et fou contre roi et fou de même couleur,
  • mais aussi dans des positions plus complexes, comme l’illustre le diagramme. Pour que cette règle soit applicable, il faut que l’impossibilité soit stricte, c’est-à-dire même avec le pire jeu adverse. Une finale deux cavaliers contre roi n’est donc pas considérée comme étant une impossibilité de mater, car théoriquement le mat est possible. Dans une telle position cependant, les deux joueurs consentent généralement au nul.

    Il est courant de considérer les cas d’échec perpétuel, dans lesquels un joueur peut donner une série illimitée d’échecs successifs, comme des cas de nulle, mais il n’existe plus de règle internationale à ce sujet, ces cas retombant finalement dans d’autres cas plus généraux, tels que la triple répétition, la règle des cinquante coups ou la nulle par consentement mutuel.

    Ces règles sont d’application dans tous les tournois de haut niveau, il est cependant possible que des tournois du niveau amateur s’en écartent quelque peu, notamment en blitz, bien que cela soit peu fréquent.

    La nulle au jeu à la pendule

    Dans les parties où interviennent des contrôles de temps, il y a d’autres cas de nulle :

    • quand tous les coups doivent être joués dans un temps fixe (cadence dite KO), si les deux joueurs ont dépassé la limite de temps, alors la partie est nulle,
    • l’article 10.2 des règles FIDE prévoit que si l’un des deux joueurs a moins de deux minutes à la pendule dans la dernière phase du jeu, où tous les coups doivent être réalisés dans un temps fixe, il peut réclamer la nulle s’il estime que son adversaire n’essaie pas de gagner par des moyens normaux ou qu’il n’est pas possible de gagner par des moyens normaux, les moyens normaux étant de progresser vers un mat ou un gain de matériel. En d’autres termes, on peut demander la nulle si l’adversaire essaie de gagner au temps, ou qu’il n’est possible de gagner la partie qu’au temps et pas sur l’échiquier. C’est l’arbitre qui détermine si cette requête est acceptable ou non, il peut aussi laisser reprendre le jeu en l’observant et en réservant sa décision,
    • quand un joueur dépasse la limite de temps impartie et que son adversaire ne peut le mater par aucune suite de coups légaux. Dans le cas du diagramme ci-contre, les Blancs disposent d’un roi et d’un cavalier contre roi et fou. Si les Blancs perdent au temps, la partie ne sera pas nulle dans la mesure où il existe un mat possible comme le démontre la position du diagramme.

    La nulle à haut niveau de compétition

    À haut niveau de compétition, il est fréquent que des parties se terminent rapidement par la nulle, parfois en moins de 20 coups ou d’une heure de jeu, on parle alors de nulle de salon. Les joueurs s’accordent ainsi du repos, au grand dam des organisateurs, des spectateurs et des autres compétiteurs.

    Plusieurs solutions ont été proposées, comme l’interdiction d’offrir la nulle avant un certain nombre de coups ou sans l’assentiment de l’arbitre, l’obligation de départager les joueurs en partie rapide après une nulle, la diminution de la valeur de la nulle dans le tournoi ou une valeur différenciée pour les Blancs et les Noirs, le départage basé sur le nombre de victoires, la sanction des joueurs dont le taux de nulle est excessif, etc., sans qu’aucune de ces méthodes ne soit satisfaisante ou communément acceptée.

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