Avec les Noirs il faut choisir une réponse sur chaque premier coup blanc à savoir une défense contre 1.e4, une défense contre 1.d4, une défense contre 1.c4, une défense contre 1.Cf3, les 4 premiers coups les plus fréquemment joués. A ce titre aura t’on les connaissances théoriques pour faire face à des débuts moins joués tels que 1.f4 (Début Bird) 1.b3 (Début Larsen) 1.g3 (Début Benko) sans compter les logiques de transposition ?
Bon on l’aura compris tout cela constitue une masse de travail très imposante, complexe voire décourageante. Dans la pratique et selon les niveaux, chacun aura des connaissances plus ou moins approfondies dans son répertoire (caisse à outils).
Je voudrais prolonger mon propos afin de signifier davantage la complexité du travail classique sur les ouvertures. Si nous prenons par exemple la défense Sicilienne qui occupe une place importante par l’ampleur des variantes ( comme l’Espagnole et le Gambit Dame) vous pourrez constater avec effroi la sévérité de l’entreprise, un labeur qui ne se situe pas que d’un seul coté. En effet les Blancs et les Noirs sont confrontés au problème du choix des variantes. En effet une ligne théorique est une suite de carrefours tantôt positifs tantôt négatifs et on peut s’interroger sur la notion de ligne qui sous entendrait un seul chemin alors qu’il n’en est rien. Ce chemin de fait est parsemé de carrefours évoqués à l’instant qui sont autant de moments dans « la ligne théorique » où plusieurs possibilités sérieuses sont à considérer ! Lorsque le choix doit se décider de votre côté nous avons affaire à un carrefour positif dans le sens où nous choisirons le chemin que nous désirons avec la possibilité très intéressante de se spécialiser dans cette voie en, par exemple oubliant les autres choix à des fins de simplification et d’économie de travail pour une meilleure spécialisation. Par contre si le carrefour est négatif c’est votre adversaire qui doit faire un choix et si j’ose dire pas vous. Alors on attend que Monsieur (ou Madame) se décide et là soit on a bien travaillé et on connait (maitrise) tous les choix possibles soit, soit soit soit…on souffre de jouer une ligne (sous ligne de fait, voire sous sous ligne ou pire dans le dédale des variantes infernales) que l’on ne connait pas trop voire pas du tout. Oui c’est comme au bac quand il y a trop de boulot on fait des impasses et le jour de l’examen il reste la prière…
Par exemple dans le dragon dans l’article ci-dessous vous pourrez constater que si vous jouez les Noirs vous avez déjà fait parmi toutes les grandes variantes de la Sicilienne un choix pour le Dragon ! Mais ce dragon est jalonné de carrefours qui ne sont pas toujours en faveur du cracheur de feu. Le plus important se trouve au 6è coup. Je vous le présente ci-après.
Les Noirs sont déjà dans un carrefour négatif car ils attendent le premier coup blanc. Les Blancs avant même de jouer leur premier coup sont déjà dans un carrefour positif…ils décident.
1. e4
Les Blancs viennent de faire leur choix et vivent un carrefour négatif car maintenant ils attendent le choix Noir. Les Noirs ont quand même (sauf coups exotiques…) onze possibilités. Ouille les Blancs sont ils prêts sur toutes ces défenses ouvertes et semi ouvertes contre e4 ?
1…c5
La défense Sicilienne qui n’est que un/onzième des possibilités noires, nous sommes déjà dans la complication. Les Noirs ici sont à un carrefour négatif car ils attendent le coup blanc c’est à dire (carrefour négatif pour les Noirs) qui attendent le choix des Blancs qui eux bénéficient d’un carrefour positif car eux décident !
Les Blancs ont le choix
2.f4 attaque grand prix.
2.d4 Le Gambit Smith Morra.
2.c3 La variante Alapine.
2.f4 Attaque grand prix.
2.Cc3 La Sicilienne fermée.
2.Cf3
Les Blancs jouent le coup le plus largement joué. Rien d’étonnant pour les Noirs, en espérant qu’ils soient prêts sur les coups autres que 2. Cf3
2…d6
L’un des coups les plus joués !
Les Noirs avaient d’autres choix sérieux
2…Cc6
2…e6
2…a6
2…Dc7
2…g6
2…Etc
Bon on commence à comprendre la difficulté et la masse de travail et ce n’est pas fini. Gagnons du temps et allons directement au Dragon. Un chemin qui connaît encore quelques carrefours.
3. d4 cxd4 4. Cxd4 Cf6 5. Cc3 g6
Les Noirs viennent de choisir la variante du Dragon qui est une des nombreuses possibilités de la théorie de la Sicilienne.
La Variante classique
6. Fe2
L’attaque Yougoslave
6. Fe3
La Variante Levenfish si piégeuse
6. f4
La Variante du Fiancheto très positionnelle
6. g3
La Variante avec Fg5
6. Fg5
Variante Harrington-Glek ou Grigoriev comme l’attaque Yougoslave mais sans f3.
6… Fg7 7. Fe3 O-O 8. Dd2 Cc6 9. O-O-O
Ci-dessous les vidéos sur le Dragon traité selon la théorie classique et tant d’autres carrefours plus loin dans les lignes théoriques ! La présentation du travail classique des ouvertures à travers le Dragon vise deux points :
- La complexité de l’entreprise
- Le travail sur la variante du Dragon est un exemple de méthodologie pour ceux qui veulent s’attaquer à la théorie classique des débuts.
Concernant le répertoire noir (choisir des défenses sur chaque coup blanc !) le joueur devra faire un choix parmi les défenses connues et qui sont présentées dans chaque rubrique ci-dessous.
Si on considère les 4 premiers coups blancs le joueur avec les Noirs devra prévoir 4 réponses à 1.e4 / 1.d4 / 1.c4 /1.Cf3 et si les Blancs jouent d’autres coups il faudra ajouter peu ou prou d’autres défenses !!
Voilà la méthode (théorie) classique qui nécessite des outils avec les Blancs et les Noirs. Elle a ses vertus et ses défauts et toute personne qui veut faire carrière devra se l’approprier en partie en faisant un choix entre ouvertures et défenses. Tout maitriser serait aussi fastidieux que non nécessaire. Cependant son acquisition et sa maîtrise constituent un obstacle de taille pour le joueur débutant pas forcément très doué, qui n’a pas beaucoup de temps pour son étude et dont la motivation n’est pas celle d’un Bobby Fischer.
Bobby Fischer à Leipzig lors de l’olympiade de 1960.
La théorie classique est difficile d’accès car elle nécessite un gros travail de mémorisation/compréhension. De plus le propre du joueur débutant est qu’il évolue dans des tournois où la théorie ne serait pas pertinente, car aucun joueur débutant en face ne la récite (connait) ou si peu. Et puis pourrons nous garder en mémoire autant de lignes, sans les oublier ou pire les mélanger !
Bon, admettons qu’un jour on ait la chance de rencontrer un connaisseur qui va avec beaucoup de courtoisie jouer les mêmes variantes théoriques, (Youpi je n’ai pas travaillé pour rien) on imagine bien qu’un coup non théorique adviendra tôt ou tard ? On peut s’interroger dès lors, sur la capacité d’adaptation du joueur débutant qui bascule d’un seul coup d’une récitation bien tranquille aux affres d’une vraie prise de décision réfléchie et vérifiée.
Pour ma part je pense que ce traitement classique des ouvertures n’est pas du tout adapté à un joueur débutant à moins qu’il veuille faire carrière. Le danger est de s’engager dans cette voie sans savoir où l’on met les pieds, le plus souvent sans méthode ce qui débouchera tôt ou tard (le plus souvent tôt, voire très tôt) sur un arrêt du travail, donnant ainsi nombre de joueurs de clubs qui stagnent avec des bribes de connaissances faisant office de connaissance de la théorie (désolé pour ceux et celles qui se reconnaîtraient).
Si ce même joueur débutant prenait la décision malgré tout d’utiliser cette méthode classique, il devra mettre au point une méthode et un programme d’entraînement sérieux, bien réfléchi donc opérationnel.
Toute notion aux échecs passe par le Triptyque Découverte/Connaissance/Maîtrise !
En synthèse
- Si le joueur apprenant décide de s’attaquer à la théorie classique pourquoi pas, mais il doit savoir où il met les pieds et s’organiser pour s’installer dans un vrai travail avec donc des chances d’avoir de vrais résultats. Cette décision est apparemment la meilleure car tout le monde la pratique, même s’il existe des exemples célèbres comme le fabuleux Sultan Khan qui sans connaître la théorie ne se gênait pas pour gagner contre les meilleurs joueurs de l’époque dit-on !
- Pour les autres je déconseille fortement cette approche car trop ambitieuse et compliquée qui ne peut déboucher que sur pseudo travail et donc de pseudos résultats pour les raisons ci dessous que j’ai peu ou prou déjà évoqué plus haut mais que je veux rappeler dans cette conclusions.
1/ La plupart des adversaires débutants le plus souvent ne connaissent pas ces lignes théoriques. Pour réciter une ligne théorique, encore faut il que l’autre récite aussi ! De plus si l’adversaire joue la théorie (cool j’ai pas travaillé pour rien) et sort de la ligne théorique à un moment donné, quel sera le niveau d’adaptation de l’apprenant ?
2/ La mémoire n’est pas infaillible, et on peut plus ou moins oublier ces lignes théoriques.
3/ Pire on peut mélanger ces lignes.
4/ Pour beaucoup ces problèmes sont insurmontables et on en est réduit à plus ou moins improviser dans un domaine (les ouvertures) où l’improvisation n’a pas sa place!
5/ Pour un enseignant qui réfléchit un tant soit peu à sa pratique, il se doit d’apporter une solution (efficace c’est mieux) à ce problème de taille et envisager d’autres approches !
En conclusion
Pour le joueur débutant et même un peu plus je déconseille fortement ce travail d’acquisition de la théorie classique des ouvertures. A moins qu’il ne s’organise afin de fournir un travail très important, soutenu et méthodique.