Le jeu d’échecs arrive sans doute en Europe par l’Espagne musulmane aux alentours du xe siècle, ou par l’Italie du sud (Sicile), puis progresse dans toute l’Europe à partir du xie siècle12. Une légende a longtemps attribué un jeu d’échecs à Charlemagne qui l’aurait reçu de la part du calife Hâroun ar-Rachîd, mais dont on pense aujourd’hui qu’il fut fabriqué près de Salerne à la fin du xie siècle13. Le poème latin Versus de Scachis écrit à la fin du xe siècle contient les premières règles écrites en Europe14. En 101015. Une mention du jeu a été trouvée dans un testament du comte d’Urgel, en Catalogne16.
Le jeu d’échec est alors souvent pratiqué à l’aide de dés17 ce qui provoque sa condamnation par l’Église au Concile de Paris de 121218, au même titre que tous les jeux de hasard. Saint Louis reprend cette interdiction dans sa Grande ordonnance de 1254 : « Nous voulons et établissons que tous nos prévôts et nos baillis s’abstiennent de prononcer nulle parole qui tourne au mépris de Dieu, de Notre Dame et tous les saints, et qu’ils se gardent du jeu des dés et des tavernes »19. Cette interdiction est peu appliquée, la popularité des échecs atteint son apogée entre le xiie siècle et le xve siècle : faisant partie intégrante de l’éducation du futur chevalier, le jeu se répand également dans le milieu de la bourgeoisie à partir du xive siècle20.
L’échiquier s’occidentalise au milieu du xiie siècle, les pièces devenant plus mobiles probablement en lien avec le développement de la poudre à canon qui rend l’artillerie des champs de bataille plus puissante21 :
- le plateau devient bicolore avec les cases rouges et noires (qui deviendront plus tard blanches et noires) ;
- le vizir devient fierge (ou vierge), puis reine ou dame (il est difficile de déterminer lequel des deux termes prévalait — sans doute étaient-ils utilisés indifféremment) ;
- l’éléphant (al fil en arabe, qui reste alfil en espagnol aujourd’hui) devient aufin, puis fol ou fou en français ;
- le roukh arabe devient roc (ce nom donnera rook en anglais, le verbe « roquer » en français et désignera la tour d’échecs en héraldique), puis tour vers la fin du xiie siècle (les tours de guet étant souvent placées en hauteur)22.